J’habite le 7ème Secteur de Marseille, je travaille dans la communication et la culture, je gère une Agence de Communication et de Développement Culturel, L’Etoile Rayonnante et j’ai pour habitude d‘interviewer des acteurs du monde culturel comme des écrivains, des peintres, des photographes, des comédiens ou des enseignants. Il est tant pour moi d’interviewer aussi des élus et des décideurs car la culture a besoin de moyens, qu’ils soient humains, logistiques ou financiers.
Je connais Stéphane Ravier depuis 2008, lui était alors le seul élu Front National de la Mairie du 7ème Secteur, et moi, j’étais élue avec la majorité socialiste. Je ne suis pas restée longtemps élue, j’ai démissionné au bout de neuf mois pour incompatibilité d’humeur avec certains politiciens qui, confondent intérêt général et intérêts particuliers.
Mes interviews à venir d’hommes et de femmes politiques et de décideurs se feront en gardant à l’esprit mes valeurs et mon éthique. Je ne m’interdis aucune question.
Stéphane Ravier a été élu Maire du 7ème Secteur en avril 2014 et Sénateur des Bouches-du-Rhône en septembre 2014.
A travers cette interview, j’ai souhaité en savoir plus sur la vision d’un Maire FN sur la culture.
- Anne-Claude THEVAND : Bonjour Monsieur Ravier et merci de m’accorder du temps pour répondre à mes questions qui tourneront autour de la culture.
- Stéphane Ravier : C’est avec plaisir que je réponds à vos questions.
- ACT : Pouvez-vous me donner votre définition du mot culture ?
- SR : Il m’est difficile de définir la culture. Il y a des cultures, il y a une diversité culturelle. Chacun doit pouvoir exprimer ses goûts, sa liberté, sa créativité dans les différents domaines. Pour moi, il n’y a pas de culture officielle. Pour moi, découvrir une culture sous-entend qu’on défende sa propre culture. Je précise que défendre sa propre culture ne signifie pas détester les autres.
- ACT : Quelles sont vos références culturelles, excepté le groupe de rock ACDC ?
- SR : Je m’intéresse beaucoup à l’histoire. J’aime lire des biographies sur des personnages historiques. Côté musique, hormis le groupe de rock ACDC, j’écoute de la variété française ou des chanteuses comme Adèle.
- ACT : Avez-vous supprimé des manifestations existantes et avez-vous diminué l’aide de la Mairie à certaines structures culturelles ?
- SR : Non, je n’ai supprimé aucune manifestation existante. Non, je n’ai pas diminué l’aide de la Mairie aux structures culturelles. Mes adversaires pensent et disent que le FN est synonyme de suppression de la culture. Chacun a le droit d’exprimer ses idées en matière culturelle. Tant que la Mairie en a les moyens, nous continuerons d’aider les différentes structures à condition que les associations ne soient pas des coquilles vides et à condition que les projets de s’inscrivent pas dans la haine.
- ACT : Depuis que vous avez été élu Maire du 7ème secteur de Marseille en avril dernier, qu’avez-vous apporté de nouveau en matière culturelle dans ce secteur et quels sont les grands projets culturels de votre mandature ?
- SR : En plus de l’offre existante, nous avons rajouté des manifestations afin de compléter l’offre et qu’il y en ait pour tous les goûts. Je peux citer par exemple les fêtes médiévales qui se dérouleront en avril prochain ou des concerts de country, de rock ou de jazz. La Mairie a un projet de musée de la gastronomie. Ce serait un lieu d’échange sur la culture gastronomique. Echange entre la cuisine française, la cuisine provençale et les cuisines du monde afin de découvrir toutes les cuisines.
- ACT : En 2013, Marseille Provence Métropole était Capitale Européenne de la Culture. D’après vous, qu’a apporté ce label à Marseille et aux marseillais ?
- SR : Le MUCEM est une réussite architecturale. Les marseillais ont pu découvrir certains musées comme le musée d’histoire ou le Mémorial de la Marseillaise. La Capitale Européenne de la Culture a beaucoup profité au centre ville et insuffisamment aux quartiers périphériques. Quid de la richesse des quartiers ? On aurait pu découvrir tout ce qui se fait dans les quartiers en matière culturelle. Je trouve que cet événement a été trop « bling bling » avec trop de parisianisme et que tout le monde n’en a pas profité. Cela a beaucoup été axé sur le tourisme et la communication, pas assez sur la culture que peuvent proposer les marseillais. Pagnol a été oublié, c’est dommage. Que reste-t-il aujourd’hui ? Hormis certains musées, je trouve que le soufflé est retombé.
- ACT : Dans le cadre de mes activités professionnelles, je rencontre des acteurs du monde de la culture et je contribue à leur communication. Certains se plaignent d’un manque d’accès aux médias et d’une insuffisance d’aide des pouvoirs publics. Avez-vous des idées pour aider les artistes et écrivains qui font la culture marseillaise au quotidien ?
- SR : La culture est malheureusement devenue une marchandise comme les autres, il faut que cela rapporte financièrement aux vendeurs de culture. Si on n’est pas dans le politiquement correct, il est difficile de se faire une place. La Mairie du 7ème Secteur met à l’honneur les artistes en leur ouvrant les portes, que ce soit au travers d’expositions, de concerts ou autre. De plus, le magazine de la Mairie devrait prochainement réapparaitre et la culture sera bien évidemment mise à l’honneur.
- ACT : Vous avez été élu Sénateur en septembre dernier et vous faites partie de la Commission Culture, en quoi cela consiste-t-il ?
- SR : Il s’agit de la Commission culture, de l’éducation et de la communication. Une cinquantaine de sénateurs font partie de cette commission et nous débattons de différents sujets. L’actualité de cette semaine porte sur les données numériques comme enjeu d’éducation et de citoyenneté.
- ACT : De tout temps, notre pays a reçu l’influence d’autres cultures, tout comme la France a influencé les cultures d’autres pays. Pensez-vous que la culture française puisse continuer à s’enrichir au contact d’autres cultures ?
- SR : Oui, bien sur. Sans oublier nos racines, notre identité, nous pouvons prendre le meilleur dans chaque culture. La culture française s’exporte à l’étranger, mais est en difficulté. La francophonie n’a pas le même rayonnement qu’à une époque. Nous devons être fiers de notre culture pour pouvoir échanger. Je suis pour découvrir la culture des autres, sans avoir à oublier la mienne. En France, on a tendance à dénigrer notre culture. S’enrichir, oui mais en gardant mon identité. J’accepte les différentes influences mais je ne veux pas subir la culture des autres. Aucune culture n’est supérieure à une autre, je respecte toutes les cultures, toutes les influences, c’est ce qui fait la richesse, la diversité, mais je tiens à garder mon identité propre.
- ACT : Depuis les expériences des municipalités FN au milieu des années 90, le FN et la culture ne font pas bon ménage. Qu’en est-il aujourd’hui ?
- SR : Je considère que les maires FN de l’époque n’avaient rien à voir avec la culture et je n’agis pas de la même manière. La Mairie du 7ème Secteur est attachée à la culture dans toute sa diversité. Je ne vais pas imposer mes goûts personnels, je ne donne aucun ordre aux associations culturelles qui agissent en toute liberté. Le politique ne devrait pas se mêler de culture et la culture devrait rester à sa place en ne faisant pas de politique.
- ACT : Depuis que vous êtes élu, sentez-vous une hostilité ou une adhésion de la population des 13ème et 14ème arrondissements du fait de votre étiquette FN?
- SR : Les militants et sympathisants du FN sont forcément contents. Les autres sont en général agréablement surpris. Même si j’appartiens au FN, je suis le Maire de tous les habitants du secteur et je place mon action dans l’intérêt général. Des jeunes des cités viennent me voir pour certaines demandes. Je ne cherche pas à savoir s’ils ont voté pour moi ou pas, je ne regarde pas l’étiquette des gens, je ne demande pas un vote en échange, je suis à leur écoute, c’est mon rôle de Maire de secteur. Les gens sont moins hostiles qu’avant même si je fais toujours des mécontents.
- ACT : La liberté de la presse et la liberté d’expression font partie de la culture française. Comment avez-vous réagi suite aux attentats qui ont touché cruellement notre pays le mois dernier ?
- SR : J’ai réagi comme tous les français. On s’est attaqué à nos libertés fondamentales. Je ne suis pas un fan de Charlie Hebdo mais je défends toutes les libertés. On ne négocie pas avec la liberté. On ne doit pas s’attaquer à la liberté d’expression, on de doit pas s’attaquer aux policiers, on ne doit pas s’attaquer à des personnes sous prétexte qu’elles sont juives.
- ACT : Vous avez souvent critiqué le système politique existant en France. Maintenant que vous avez des responsabilités électives plus importantes qu’avant, votre regard a-t-il changé et avez-vous des garde-fous si le pouvoir vous monte à la tête ?
- SR : Les militants sont mes garde-fous. Je garde les pieds sur terre. Je suis beaucoup sur le terrain, cela permet de garder le sens des réalités. Je reste naturel, simple, je ne me laisse pas griser par les ors du Sénat, je suis un élu responsable. Les habitants ont des attentes.
- ACT : Merci d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
- SR : Merci à vous de m’avoir écouté.